Partir...
Jusqu'à mes 25 ans j'ai vécu sur les quais d'un port maritime. La façade de notre maison était orientée au levant, face à nous un pont, tournant le pont, mais avant de traverser le pont qui menait au val de Saire il y avait le quai... si je ne lisais pas dans ma chambre sous les toits, j'étais dans le magasin au rez-de-chaussée ou sur les quais !
Le quai, mon jardin mon balcon ma cour de récréation, vois-tu le quai de Caligny fut mon école de la vie, une enfance sur les quais d'un port et c'était formidable.
Un port où que ce soit c'est naturellement une ouverture, une porte à rêver. Le port dans une petite ville de province c'est là où tout se passe, c'est là où tout arrive et nous nous vivions là, tout était normal.
Les militaires en uniforme, les marins de tous les pays. La sortie des ouvriers de l'arsenal tout proche où par centaines ils regagnaient leur domicile à vélo, tous à vélo et par tous les temps, le midi comme en fin de journée. Les pêcheurs qui ramendaient le chalut, qui démêlaient les câbles et les cordages là, juste en face, qui repeignaient la coque sur de la rouille, qui hurlaient les ordres, qui buvaient beaucoup trop au retour d'une marée très fructueuse/très nulle. Le partage par l'armateur du gain au retour de la mer, sans enveloppe, sur le bar, en billets de 500 francs souvent, pas toujours...
Sur le quai les mendiants, les personnages extravagants, les faux infirmes, les vrais paumés, les yachtmen British, les prostituées, les bagarres, les aventuriers, les virées nocturnes, les descentes de police, les sirènes, les gerbes d'étincelles du chantier de réparation navale, les escales du Queen Mary, de la flotte Russe de la Baltique, Nathalie Artaud encore complètement inconnue comme de Kersauzon, éric Tabarly fuyant tout le monde mais aussi Simone Signoret et Yves Montant, Georges de Caunes, Serge Lama ou Claude François, Michel Serrault, les manifs de la CGT et du Parti Communiste, des Américains au volant de leur Cadillac, des fêtards du Cul de l'An. Le Yalta, le Cotentin, le Central, le Vauban, le café du port, le café de Paris et "Chez Guérin"
Passer sa vie sur le bord d'un quai, sur un port et tout au bout d'une presqu'île c'est également des journées parfois des semaines de vent et de pluie, des jours de brouillard, de la corne de brume attention, pas du vent d'opérette quand ça piaule, ça piaule, les bateaux restent au port, c'est alors une deux ou trois marées de perdues, ça fait la gueule, les portes des bistrots claquent, les femmes n'ont plus rien à vendre.
J'ai adoré mon enfance sur les quais ensuite, il était temps de partir.
Pareil, j'ai eu du sel dans les veines jusqu'à mes premiers poils sur la babine supérieure ; le moment de partir : océans et vie terrestre et tout le toutim. Merci, j'ai adoré !
RépondreSupprimerEt au bord de quelle côte as-tu poussé caõ avec tout le toutim ?
SupprimerBleck
Côté d’Argent.
SupprimerOn a des jolis petits lacs mais rien à voir avec tes quais...
RépondreSupprimerJe te crois aisément Valvita et dans le même temps suis absolument convaincu que par chez toi on pouvait croiser tous ces personnages que je décris... il faut simplement les chercher, moi je suis né dedans.
SupprimerBleck
Bien proprette sans vaguelette, mon enfance s'est passée au pied des terrils.
RépondreSupprimerRien à voir avec la vôtre. j'habitais chez mes grands-parents, nos francs étaient belges.
Mais mon grand-père qui travaillait comme chauffagiste dans une centrale électrique au charbon se rendait à son travail à vélo et par tous les temps,
Question vélo, c'est jusqu'à au minimum la fin des 70' que les ouvriers se déplaçaient à vélo, au mieux c'était une mobylette... vois-tu Madame Chapeau, mon père qui sur la fin avait les moyens de prendre l'automobile. pour faire le trajet ne le faisait pas, par principe, lui ouvrier et Gaulliste fier de son rang, allait à bicyclette comme les compagnons.
SupprimerBleck
Et Bricqueville !
RépondreSupprimerEt Bricqueville ?
SupprimerBleck
Bricqueville le héros de Cherbourg !
SupprimerAh ! je vois que nous avons à faire avec un historien Cherbourgeois ou Cherbourgeois historien et (très) concis de surcroit, je te remercie de m'avoir apporté toutes ces précisions dans ton deuxième commentaire parce que j'étais parti sur la piste d'une commune nommée Bricqueville et ça ne collais pas tout à fait avec ce délicat billet.
SupprimerBricqueville le héros de Cherbourg ! et son non moins fameux buste... j'ai une anecdote à ce sujet historien de Cherbourg et m'en vais te la conter moi qui ne suis pas trop paresseux question galopage sur un clavier.
Lorsque j'étais pré-ado j'aimais aller faire éclater des pétards sur la petite digue (pétards que j'achetais au "Farceur" place de la Révolution avec une ou deux pièces que je piquais dans la caisse) et comme je n'avais pas le droit de le faire ben non hein... hein !
je planquais mes pétards dans une enfractuosité du piédestal supportant l'auguste buste de Bricqueville... ce monument étant à peu prés situé à mi-chemin entre la petite digue et notre domicile malin le Bleck hein... hein !
Merci de m'avoir glissé ces deux com's historien Cherbourgeois, sans toi l'humanité serait passé à côté d'une information vachement importante.
Bleck
Une autre époque (pardon), mais si joliment racontée.
RépondreSupprimerOh non tu n'as absolument rien à te faire pardonner Bismarck, surtout pas. Vois-tu initialement ce billet était nommé "Autrefois" j'ai relu mon billet avec de le poster et j'ai changé le titre au profit de "Partir" qui est une action qui comme tu le sais est pour moi déterminante. Quant au reste oui, ce que je raconte à plus de cinquante ans tous les codes on changé si je suis nostalgique, je vieillis oui je suis vieux maintenant pour moi ce n'est pas un gros mot mais une chance.
SupprimerBleck
Comme Bismarck, j'aime comme tu raconte, on y est :-) Mais bon, tu as raison, les quais, c'est bien, mais à un moment, il est temps de prendre le large ;-) (Psst C'est pas Nathalie - politicienne de son état- mais Florence Arthaud Qui parcourait les océans ;-) )
RépondreSupprimerMUHAHAHAHAHA... ... ... quel con, mais quel con et en plus Gilsoub je me suis relu, ce qui est loin d'être systématique chez moi ah c'est trop drôle, merci Camarade et pas question que je corrige évidemment !!
SupprimerBleck
Tout le contraire pour moi , enfance même petite enfance dans une caravane à suivre mon père dans ses pérégrinations de chantier en chantier . Installés dans les cours d'usines au mieux , dans les patûres des fermes alentours. Sans eau , ni électricité mais un bonheur à 5 parfait !
RépondreSupprimerTout le contraire à un point extrême en effet Cinabre... chez nous, 37 kms, c'est la distance exacte qui séparait notre adresse sur le port avec une petite maison de campagne où nous passions les ouikends et vacances, 37 kms... je n'ai commencé à circuler qu'à partir où j'ai passé mon permis moto. Mon envie de partir et de bouger doit avoir un rapport avec ces 37 kms.
SupprimerEt je comprends tellement ton bonheur à 5 dans vos 8 M2 sur roues...
Bleck
Pas de port pour nous, mais une campagne improbable pour les 3 à 5 ans que durerait la construction du barrage hydroélectrique du moment... du vélo (il a dû exister), je ne me souviens pas, mais de la mobylette oui, avec les doigts gelés l'hiver malgré les gants. C'était une autre époque et je repense à mes parents tout juste mariés à l'ouest du Massif Central partir vers leurs chez eux à l'est de la même montagne, l'autocar les a laissés à son terminus, il y avait encore 7 km à faire de nuit, à pied et dans la neige ! Le chantier terminé, nous partions pour le suivant, ailleurs, nouvelle maison, nouvelle école (parfois une connaissance du chantier précédent dans le même village, mais souvent pas) et à 10 ans à mon arrivée dans le Lot, je savais déjà qu'il ne fallait pas que je m'attache à mes camarades de classe, je n'allais pas rester... ainsi va la vie !
RépondreSupprimerJ'ai cru que le port de voyageurs de Cherbourg était ce que j'avais vu de pire en France, ce qui était prématuré puisque je n'avais pas encore vu la gare.
SupprimerVoilà un autre exemple, d'une autre époque, merci Agathe.
SupprimerBleck
J'ai cru que le port de voyageurs de Cherbourg était ce que j'avais vu de pire en France, ce qui était prématuré puisque je n'avais pas encore vu la gare.
RépondreSupprimerJ'apprécie particulièrement ce com' Anonyme, ta formulation ainsi que ta comparaison, vraiment.
SupprimerLe quartier de la gare est lamentable à Cherbourg (les quartiers de gare sont plutôt rarement classieux) Je ne sais pas si tu compares à la gare maritime, si tel est le cas et si tu l'as vue hors période d'escale de grands bateaux, c'est effectivement un désert d'une tristesse rare. Dans ce billet je parle d'une période de ma jeunesse où j'ai eu l'occasion d'assister à des escales transatlantiques d'un faste dont je me souviens toujours.
J'ai tourné le dos à cette ville, pas un seul avis positif de ta part ??
Si d'aventure tu postes un autre com' ici sois aimable de me signer, merci par avance.
Bleck
Une bien belle prose Bleck ( c'est ton prénom?) que voici !
RépondreSupprimerje suis peu loquace mais c'est vrai, j'ai bien aimé
Moi, c'était les mines, les crassiers, les chevalets, les gueules noires mais en même temps les champs, les vaches, les bois, et tout cela m'a formé ce que je suis, et puis, moi aussi, je suis parti (mais j'ai tout gardé en moi !).
SupprimerAlors c'est pareil Juliette, mon pseudo est en relation d'un petit fanzine que je lisais gamin l'histoire d'un trappeur du grand nord Canadien du nom de Blek... j'ai ajouté le "c" histoire d'en équilibrer l'orthographe... plus de 20 ans que je signe Bleck.
SupprimerEt merci d'avoir apprécié et de l'écrire.
Bleck
@ Calyste - Je comprends, une autre forme de prolétaires pour une même époque disparue aujourd'hui.
SupprimerBleck
@juliette
SupprimerTu as vraiment pu penser que des parents auraient pu donner à leur enfant ce prénom de Bleck ???
François à la limite je veux bien, mais Bleck !
T'as d'beaux yeux tu sais ? 😉
RépondreSupprimerOui enfin, ce que je raconte date d'un tout petit peu moins longtemps que la sortie du film "Le quai des brumes" tout de même...
SupprimerBleck