Une institutrice.

 

Le lycée bien évidemment sans anicroche et puis le bac avec une mention. Les parents sont artisans-commerçants elle les voit trimer, rentrer le soir épuisés mais il y a la semaine de Noël à la neige, le mois d'aout sur la Côte d'Azur...

Elle passe trois concours d'Etat, la première réponse positive est la SNCF tant pis elle paiera ses billets et puis il y a l'auto-stop non, elle choisit l'Ecole Normale, 3 ans !

Non, ce n'est pas une vocation. Les enfants ? oui, elle aime les enfants, probablement... il y a bien sa grand-mère adorée qui aurait aimé être institutrice et puis les conditions sont agréables, le salaire, le rythme de travail, les grandes vacances... elle signe pour un départ à la retraite à 55 ans, ça peut le faire.

La voilà bombardée dans une classe de 25 élèves, une école du 11 ème arrondissement où elle se rend à pied, une vie de quartier c'est agréable. Après l'école, deux trois corrections, une petite préparation ça commence à rouler, le soir elle sort beaucoup.

L'institutrice mène une vie qui lui convient maintenant, elle n'est pas l'enseignante lambda, elle les sent les collègues et elle, elle n'est pas entrée dans le moule, le tutoiement obligatoire ok, bon elle ne va pas non plus se faire remarquer, déjà qu'elle refuse de se syndiquer hein, mais les achats obligatoires via le catalogue de la Camif, le thé au jasmin partagé au café alternatif du quai de Jemmapes le mercredi entre "collègues" non. Les manifs obligatoires "Nation-République" bras dessus-bras dessous,  c'est très rapidement non. Sortir la carte "Education Nationale" pour le tarif d'un musée c'est non également.

La femme que j'aime est fonctionnaire de l'Education Nationale, c'est son métier quelle mène au mieux pour ses élèves et pour elle-même.

Lorsqu'on sent que ça colle vraiment entre nous, on quitte Paris pour la province, pour une vie plus tranquille elle, travaille toujours en primaire, c'est après la naissance de notre deuxième petit qu'elle essaie la maternelle pour voir... après 8 à 10 ans de classe, elle décide de s'en détacher elle sera ZIL (ne me demande pas ce que ça veut dire) c'est à dire que sur deux ou trois écoles elle remplace la directrice lors de ses journées "bureau" c'est plus léger, elle voit des gens différents, fait un peu de route alterne classe de campagne, de centre ville etc...

À cinquante ans la femme que j'aime n'a connu qu'un seul milieu, un seul modèle, une seule communauté avec ses codes bien à elle, l'éducation. Elle me parle de plus en plus de son souhait d'aller voir ailleurs comment ça se passe... je l'y encourage bien sûr et ce n'est pas si facile !

Et puis un jour elle se lance, demande un congé formation quelle obtient, elle est admise dans un lycée professionnel en alternance avec un apprentissage chez un professionnel, ce sera fleuriste.

Elle fait donc les démarches nécessaires, se frotte à l'étonnement majeur de ses interlocuteurs et trouve une belle boutique qui lui fait confiance pendant une année elle sera fleuriste, l'humidité, le froid, l'exigence d'un patron celui des clients, les horaires, l'épluchage de brassées de roses, la satisfaction de remplir un tiroir caisse, l'épuisement d'une soirée de fêtes des mères, de la Saint-Valentin, les mesquineries aussi la jalousie de collègues qui savent parfaitement qu'elle retrouvera un salaire bien différent dans quelques semaines, les pieds bien au sec...

Et bien entendu après l'obtention d'un CAP la femme que j'aime à retrouvé sa classe de maternelle, elle est allée voir de l'autre côté du mur et elle a d'autant apprécié ses horaires, son salaire, ses vacances, son choix de vie et ses trente et quelques bambins.

Commentaires

  1. Merci.
    comment ferions nous sans doutes erratiques, sans remises en cause baladeuses, sans expériences autres, sans routines constructives. Bien joué ma'ame Bleck !

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    1. Aller regarder ailleurs me semble important, et pas que dans l'activité professionnelle.

      Bleck

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  2. C'est marrant, 50 ans, c'est souvent l'âge où l'on a envie de voir autre chose, ou d'une autre manière, peut être l'âge de lassitude d'un boulot fait depuis des années ? Des fois, a trés bientôt 60 ans je me pose aussi la question, mais à trois ans de la retraite... je crois que justement, c'est de la retraite que j'ai envie ;-)

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  3. Allez voir ailleurs! J'en ai tant rêver.
    Comment ta femme a-t-elle fait pour financer sa formation? Et elle n'a eu de difficultés à quitter Paris pour la province?
    C'est une belle histoire d'aimer, malgré les 30 et quelques bambins, encore son métier.
    Qui a, c'est vrai, quand on arrive à couper le cordon entre l'école et la maison, quelques beaux avantages!

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    1. Anne, tout salarié du public et du privé peut demander une formation de son choix (quelle soit ou non en rapport avec son activité salariale) elle peut être refusée deux fois par l'employeur, pas trois ! En ce qui concerne notre cas je crois me souvenir qu'elle a bénéficié de 70 % de son salaire pendant la formation qui est elle rémunérée par je ne sais plus quelle agence. La fleuriste elle bénéficie d'une stagiaire motivée et n'a rien à lui verser, ce qu'elle a copieusement fait.
      Le départ de Paris pour la province, un bonheur, elle y est née, en a fait le tour nous y avons vécu ensemble 3 ans cela suffisait.
      J'ai une femme au caractère très indépendant, les dix dernières années d'instit' elle coupait totalement le lien entre taf et sa vie à elle, sa vie de famille également.

      Bleck

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  4. Bravo à la femme que vous aimez pour ce beau parcours et à vous pour ce beau résumé. Normalement, dans mon pays, le diplôme d'instit primaire ne permet pas d'enseigner en maternelles et réciproquement. Et nous n'avons pas de ZIL ( Zone d'Intervention Localisée ).

    J'ai écrit « normalement » car , comme nous souffrons d'une pénurie d'enseignants, on est parfois obligé de s'adapter.

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    1. Je citais notre cas professionnel qui s'est terminé voilà maintenant dix ans et dans notre beau pays également il y a eu moults adaptations, pour le moins...

      Bleck

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  5. Quel parcours :) J'admire énormément les gens qui travaillent avec les enfants, ce travail est tellement important et en même temps tellement difficile! Je ne comprends pas que la société en général ne respecte pas et ne soutiennent pas plus ces gens. Chapeau à la femme que tu aimes :)

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    1. J'ai "oeuvré" pendant une année et demi dans notre parcours Parisien en tant que commercial auprès des écoles maternelles (vente de jeux et jouets) j'ai donc vu un tout petit peu de quoi il s'agissait et puis j'ai eu le feed-back de mon aimée bien sûr... jamais je n'aurais tenu trois jours de suite seul adulte dans une classe même secondé par une ATSEM ! Jamais !

      Bleck

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  6. Un beau parcours que celui de ta femme que tu racontes bien. Quand on aime son métier ça motive pour aller jusqu'au bout !

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    1. Amour peut être, mais modéré pour son métier, tu l'as compris Brigou...

      Bleck

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